Compte-rendu de la conférence de Myriam Rasse

Publié le par Hélix

Compte-rendu  de la conférence de Myriam Rasse, organisée dans le cadre des jeudis du CERPE

 

 

Comment répondre aux besoins des parents, des enfants et des professionnels ?

Comment concilier les besoins des 3 acteurs : enfant/parent/professionnel ?

 

 

(Avec le rapport TABAROT, un retour en arrière est fait, un retour à la garde d’enfants, or aujourd’hui, on accueille l’enfant et sa famille.)

 

La vie collective pour le petit enfant n’est pas un besoin. Par contre, les parents, eux, ont besoin d’un mode de garde. Ceci implique deux paradoxes :

 

- 1er paradoxe : Au moment où l’enfant a besoin de construire son identité propre, on lui demande de faire attention aux autres ! Il est donc nécessaire d’individualiser l’accueil collectif pour que l’enfant puisse quand même apprendre à se connaître.

 

- 2ème paradoxe : La séparation d’avec les parents a lieu à un moment où l’enfant n’est pas prêt à le faire. C’est en vivant avec ses parents qu’il crée ses images parentales, ses références, ses fondations et c’est ensuite, une fois qu’elles sont construites (aux alentours de 2 ans et demi) qu’il peut supporter la séparation. Les indicateurs de ce moment sont la capacité de l’enfant à dire « je » en parlant de lui et la capacité de l’enfant à dessiner un rond fermé qui exprime une perception unifiée de son corps.

 

Il est donc nécessaire de réfléchir à l’accueil du tout petit pour répondre au mieux à ses besoins lorsqu’il est séparé de ses parents.

 

Un nouveau lien

 

C’est par le contact avec une personne privilégiée que le « sentiment continu d’exister » comme le dit Winnicott peut émerger.

Avant 2 ans ½ / 3 ans, l’enfant a besoin d’une nouvelle relation stable, fiable et continue avec une personne pour supporter l’absence de ses parents. Pendant l’adaptation, il peut ainsi créer un lien, un nouveau lien, un lien différent avec la personne de référence.

 

Un parent soigne son bébé parce qu’il l’aime. Chez les professionnels, c’est le soin qui est 1er, c’est par ce qu’on le soigne qu’on s’attache à lui.

 

Le petit enfant sera capable de se séparer quand le lien sera construit (sans séparations) par ce qu’il pourra s’appuyer sur ce nouveau lien créé. Un lien avec un nombre pas trop important de personne, des personnes qu’il connaît bien pour pouvoir les apprécier et s’appuyer sur elles.

 

Attention en tant que professionnel à ne pas prendre la place des parents mais à la protéger. Le lien parent/enfant est vulnérable car récent, il faut donc y faire attention.

 

Les soins physiologiques

 

Il est nécessaire de les préserver car ils ont une valeur essentielle.

Ce sont des moments privilégiés pour la construction du lien adulte/enfant. Il faut donc faire attention à notre manière d’aborder ces moments là.

 

« Pas une cuillère de plus que celle qui lui fait plaisir » Judith Falk

 

Lorsqu’on dit il a « bien » mangé, qu’est ce qu’on dit ? Qu’est ce que « bien » manger ? Il a fini son assiette, il a mangé ce dont il avait envie, ce dont il avait besoin ?

Chaque cuillère doit être une question qu’on pose à l’enfant. On propose la cuillère et on observe sa réaction. C’est le renvoyer lui-même à ses propres besoins, c’est lui faire prendre le chemin de l’autonomie (capacité d’identifier ses propres besoins et de pouvoir les satisfaire seul ou avec l’aide de quelqu’un parfois dans un cadre précis).

 

Ex : ne pas dire « ne t’endors pas, tu vas manger » car si il ressent la fatigue et qu’au lieu de le coucher, on le nourrit, ça ne lui permet pas d’identifier son besoin.

 

Les moments de soin sont importants, il faut en prendre soin aussi !

 

L’organisation régulière des soins permet à l’enfant d’anticiper sur ce qui va lui arriver et ainsi lui procurer un sentiment de sécurité et de continuité. Si l’enfant a du mal à comprendre le monde extérieur, il aura aussi des difficultés à organiser son monde intérieur. Plus c’est prévisible, plus il peut être actif, participer.

 

La cohérence dans les manières de faire des adultes est donc nécessaire. Harmoniser ses pratiques pour être stable et prévisible.

 

Le langage du corps

 

Le bébé communique avec tout : le regard, le corps, le tonus et pas seulement avec la parole.

Etre à l’écoute des besoins c’est aussi observer la communication non verbale de l’enfant. Le bébé communique et réagit à ce qu’on lui propose. Il est donc important d’être attentif à ses réactions, d’attendre sa réponse, lui laisser le temps de réagir.

La détente de l’enfant dans les bras de l’adulte est un signe que le lien se crée.

Il faut être vigilant aux regards parfois intrusifs, fuyants, figés, vides ou agrippants.

 

Observer/décoder/réagir

 

Observer, c’est bien mais ça ne fait pas tout !

Il est important de donner des petits détails sur l’enfant, cela veut dire qu’on a vu/observé mais il est plus important encore de prendre conscience de ce que l’on a vu/observé et de le prendre en compte pour répondre à l’enfant.

 

L’adulte doit mettre à la disposition de l’enfant son psychisme d’adulte pour décoder les signaux de l’enfant.

1)      je perçois : il s’agite

2)      j’en prend conscience : je fais des hypothèses telle que : il est mal installé donc je le réinstalle

3)      soit ça marche, soit ça ne marche pas et je refais une autre hypothèse

 

Décoder c’est ce qui permet de s’ajuster à l’enfant. Plus souvent on rencontre un enfant plus c’est facile de décoder. Dans un lieu collectif il est important de privilégier l’enfant sur les genoux car on peut mieux décoder ses signaux. S’il s’agite sur nos genoux, on est plus réceptif et on est obligé de prendre en compte ses signaux.

 

Plus on décode et on répond, plus le bébé se sent écouté, considéré. Cela favorise la prise de conscience de soi, l’estime de soi, le narcissisme.

 

« Quand on est pressé avec un enfant, le message qu’on lui envoie, c’est qu’on a des choses plus importantes à faire que de s’occuper de lui » !

 

Si trop souvent, l’adulte n’écoute pas les signaux de l’enfant, très vite le bébé renonce à communiquer. C’est grave !

Ex : un bébé de 10 mois qui est actif au tapis et qui sur le plan de change est inactif. C’est un refus de communiquer car l’enfant a compris que quoiqu’il fasse, l’adulte ne le prend pas en compte.

Ex : demander à un enfant de manger car c’est la dernière cuillère de petit suisse ! S’il l’enfant ressent qu’il n’a plus faim, ça ne veut rien dire de lui proposer une autre cuillère, même parce que c’est la dernière du plat !

 

L’agressivité

 

Ces relations enfants/adultes participent à la construction des relations sociales. L’enfant va prendre appui sur sa relation à l’adulte pour créer des relations avec les autres.

Il est donc important de faire attention à ce que l’on fait avec l’enfant et à ce qu’on lui demande de ne pas faire !

Ex : « ne prends pas dans les mains des autres » or nous, adulte, pour rendre le jouet au 1er enfant qui l’avait, on va le prendre des mains de celui à qui on vient de dire « ne prend pas des mains » !!!

 

Quand on se sent très impuissant, l’agressivité naît.

L’insécurité et l’impuissance sont les raisons de l’agressivité. C’est pourquoi il est nécessaire de réfléchir à la façon de donner plus de sécurité et moins d’impuissance.

Les comportements agressifs sont parfois des comportements réactifs à la collectivité et la séparation.

 

Un lieu collectif génère en soi de la rupture et de la discontinuité. On peut lutter contre par :

-         les mêmes personnes toute la journée

-         limiter les allers et venues des familles dans l’espace de vie (espace, sas d’entrée, réservé aux accueils et retrouvailles mais pas dans la pièce de vie pour protéger le reste du groupe).

-         Ne pas faire deux choses en même temps, par ex : accueillir et donner un repas.

 

Concilier les besoins des parents et ceux des enfants, dire « ça on ne peut pas », est de notre responsabilité.

 

Les besoins des parents

 

Répondre aux besoins des parents, c’est accompagner la parentalisation (processus qui dure toute la vie).

 

Attention, parfois les professionnels sont trop exigeants envers les parents car ils attendent d’eux qu’ils soient des super professionnels ! Parfois même, les professionnels se vivent comme des super parents !

 

L’adaptation, c’est ne pas faire « comme » la maman, « comme » à la maison car c’est impossible puisque nous ne sommes pas la maman et pas à la maison. Il faut travailler justement sur la différence.

 

La continuité, c’est faire du lien entre la maison et la structure et non pas essayer de faire pareil, sans y arriver !

 

C’est dire aux parents, « on va protéger ce que vous faites car c’est irremplaçable ». On va faire différent, dire à l’enfant « je sais qu’à la maison, ça se passe comme si mais ici je te propose comme ça ». On fait le lien entre les deux.

 

Par contre, connaître les habitudes du bébé et non celles que sa maman lui donne est important. Ex : comment il se met de lui-même pour dormir et non ce que lui dit ou chante sa maman.

 

On respecte la spécificité des parents si on fait différemment mais en lien avec eux.

Pas faire comme mais permettre à l’enfant de rester en lien entre les deux lieux et transmettre tout ce que l’enfant nous montre de ses capacités.

 

Accueillir et prendre en compte les craintes, les émotions, les angoisses des parents pour qu’ils puissent après rassurer leur bébé. Si les parents ne sont jamais contents, prendre le temps d’en parler avec eux, les laisser s’exprimer puis décider ensemble de comment améliorer la situation.

 

Prendre soin des professionnels

 

Accueillir les jeunes enfants des autres nécessite une formation initiale et continue.

Il est important de garder sa capacité de penser par le biais de réunion entre adultes.

L’outil du professionnel est son empathie et son attention avec une disponibilité constante soutenue par un travail d’équipe et des conditions matérielles. Penser à l’organisation pour avoir tout à porté de mains et pouvoir ainsi être disponible pour l’enfant.

 

Le confort de l’adulte, prendre soin du corps de l’adulte, par des fauteuils confortables par exemple, contribue à la qualité du travail des professionnels.

 

Conclusion

 

Offrir de bonnes conditions de travail aux professionnels leur permet de développer leur savoir faire et être au service des enfants et des parents.

 

 

 

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